La maîtrise du projet passe par la maîtrise de sa fabrication. C’est fort de cette conviction que Samuel Poutoux et Rémi Crozat, architectes, s’associent avec Marc-Henri Maxit, économiste et entrepreneur charpentier, pour créer en 2012 une structure résolument pluridisciplinaire baptisée WOA, acronyme de Wood Oriented Architecture. Parmi les trois partenaires, deux disposent déjà d’une solide expérience en construction bois. Samuel Poutoux a développé un concept de bureau bois construits en plusieurs exemplaires par son promoteur, Nexity. Marc-Henri Maxit a initié de nombreux projets en panneaux de bois massif CLT, à une époque où cette technologie était encore peu répandue dans l’hexagone.
WOA s’est rapidement tournée vers des systèmes constructifs mixtes, où le bois n’a plus une place exclusive même s’il continue de jouer un rôle central. La rationalité constructive guide l’utilisation des matériaux en fonction des contextes, des programmes ou des demandes des maîtrises d’ouvrage. Un règlement de ZAC impose une façade béton et une structure bois pour un bâtiment de grande hauteur ? Plutôt que de plaquer un parement béton, WOA imagine de ceinturer la tour d’un exosquelette où le béton retrouve son rôle structurel et vient contreventer une structure bois. L’utilisation d’une structure 100 % bois n’est pas pertinente du point de vue spatial dans un projet de résidence étudiante ? L’emploi ponctuel de poteaux métalliques permettra de masquer la structure entre les séparatifs de chaque logement.
Ces deux exemples choisis parmi d’autres illustrent la démarche de l’agence, caractérisée par la volonté de résoudre de front les problèmes spatiaux et constructifs, et par la certitude que la matière génère l’architecture. Le contrôle des problématiques constructives permet aussi le contrôle des coûts de construction : un atout à l’heure où les entreprises se retrouvent mandataires des projets d’architecture en lieu et place des architectes. L’expérience de WOA dans le domaine constructif a permis de démontrer la justesse des solutions qu’elle proposait, et de les imposer par leur pertinence.
Pour autant, l’agence WOA ne se cantonne pas au rôle d’habile technicien. Elle agit en architecte sur les questions de mise en forme, de transformation des situations et de résolution des situations complexes. À la question « aimeriez vous construire un gymnase, une piscine, ou un programme nécessitant de grandes portées bois », elle donne une réponse que l’on qualifiera de typiquement « woesque » : « oui, si l’on pose six étages de logement dessus ». Ce qui plaît à WOA, c’est la mixité des programmes et des structures, l’imbrication des éléments constructifs avec les éléments fonctionnels, la soumission de la réglementation à l’expressivité architectonique, comme sur le projet de la Tour Commune à Paris, où le C+D imposé par la sécurité incendie modèle les éléments porteurs pour fabriquer dans chaque chambre une alcôve ouverte sur le paysage parisien.
Les préoccupations écologiques modèlent l’architecture contemporaine autant que les contraintes spatiales, financières ou constructives. WOA, qui s’est structurée et développée autour du matériau bois, estime que l’écologie ne devrait même pas être mentionnée ou affichée via des labels, tant elle devrait être une composante intrinsèque de l’architecture. Ceci posé, l’agence n’entend pas se satisfaire de l’emploi de matériaux biosourcés. Elle refusera à l’avenir de construire dans des zones où le développement urbain entraîne l’artificialisation des sols. Elle intègre la dimension sociale trop souvent oubliée des pensées écologiques. WOA veut ainsi maîtriser son développement et garder une taille de structure réduite à une dizaine de collaborateurs, dans laquelle chaque architecte suit un projet de l’esquisse à la livraison. Une autre règle de WOA exige de chaque associé – passé aux nombres de quatre avec l’arrivée de Julien Déchanet en 2019 – qu’il participe à l’élaboration des projets. WOA adopte des logiques de collectifs pour répondre aux projets réclamant une taille d’agence conséquente. Elle s’associe régulièrement à l’agence Vincent Lavergne quand les sujets l’exigent. Les évolutions de WOA suivent un cap bien précis : à son échelle, l’agence cherche à combler la brèche séparant le constructeur du concepteur, pour les réunir dans une seule figure, le maître de l’œuvre, en mesure de réaliser ce qu’il dessine. Et si WOA signifiait en fait Will Oriented Architecture, une architecture guidée par la volonté de concepteurs suffisamment aguerris pour ne pas s’en laisser compter ?
Portrait par Oliviers Namias